Le vent

Le vent est un phénomène météorologique très fréquent en montagne. À part en forêt dense, le manteau neigeux est régulièrement soumis à ses effets, et ce, dès la chute de neige.


Son premier effet est de redistribuer la neige, et ce déjà pendant la chute, d'où une répartition parfois très irrégulière de la neige fraîche.

On sous-estime souvent cet effet car il n'est pas toujours visible, en particulier lorsque la fin de la chute est peu ventée. La surface de la neige est alors lisse et il faut avoir une grande expérience de son secteur pour repérer les légères modifications du profil de pente qui témoignent que tel endroit a subi les effets du vent.

Par ailleurs, même plusieurs jours après la chute de neige, le vent peut être capable d'arracher les cristaux de neige de la surface pour un nouveau voyage aérien. Cela dépendra de la qualité de la neige de surface du moment et de la force du vent : sur une surface de neige croûtée, un vent même fort n'aura que peu d'effet ; au contraire, sur une neige récente, un vent modéré suffira à provoquer un transport important.

Le second effet du vent est de modifier rapidement les caractéristiques de la neige de surface. Une fois encore, c'est le couple force du vent/qualité de la neige de surface qui est déterminant, c’est-à-dire l’intensité du transport de neige par le vent.



Prenons l’exemple d’une couche de neige récente légère. Tant que les cristaux de neige récente ne font que se déplacer à la surface, les fines rides qui apparaissent alors ne gênent pas réellement le skieur. Néanmoins, si ce petit vent dure assez longtemps, une grande partie des cristaux finissent par se briser lors des chocs répétés, conduisant à des grains fins (d). Ceux-ci sont plus proches les uns des autres : la neige est donc plus dense ; ils ont aussi la capacité de se souder rapidement entre eux : la neige est plus dure. Cela correspond à l'apparition des fameuses “croûtes de vent”, qui cassent sous les skis de façon irrégulière tant qu'elles ne sont pas suffisamment épaisses pour être portantes. Dès que le vent devient plus fort, les cristaux de neige récente sont soulevés et transportés sur de plus grandes distances. La formation de ces croûtes est par endroits beaucoup plus rapide, notamment près des crêtes ou sur les croupes. La neige se hérisse alors de vaguelettes hautes parfois de plusieurs dizaines de centimètres et de reliefs durs, des corniches apparaissent sur les crêtes. Enfin, pour des vents plus tempétueux, certaines zones se dégarnissent complètement de leur neige récente, seule la neige dure reste en place. Les grains arrachés, en suspension dans l'air, forment alors de la chasse-neige, phénomène au cours duquel une partie des grains disparaît par sublimation (transformation directe de la glace en vapeur d'eau invisible), le reste se redéposant souvent très loin du lieu d'origine.

Savoir reconnaître les zones d'accumulation de neige, c’est-à-dire repérer les endroits où la neige s'est redéposée après un épisode de transport est important, car ces couches de neige plus denses peuvent être à l'origine d'avalanches de plaque (cf. § 3.3.1). Ce n'est malheureusement pas simple car ces zones de dépôt sont souvent peu caractéristiques et une fois recouvertes, elles deviennent très difficilement détectables.

Une autre approche consiste à localiser les zones qui ont pu être abritées du vent, mais, là non plus, ce n’est pas simple. Ce sont essentiellement des facteurs topographiques qui sont alors à prendre en compte. En premier lieu, l'orientation de la pente par rapport à la direction du vent.

Après un épisode de transport de neige par vent d'ouest (c’est-à-dire que le vent venait de l'ouest), ce sont les versants orientés à l'est qui seront en moyenne les plus chargés.

Mais attention, en montagne, l'écoulement de l'air est perturbé par le relief ; la direction et la force du vent qui souffle localement sont souvent bien différentes de celles du vent général (annoncées dans le bulletin météo par exemple). De plus, direction et force du vent fluctuent dans le temps, provoquant parfois la reprise de la neige déposée quelques heures auparavant. Elles varient aussi avec l'altitude : le vent observé en bas d'une station est rarement le même que sur les crêtes.

La forme de la pente joue également un rôle très important : un versant n'est pas toujours régulier, par exemple des croupes dans un versant nord seront des obstacles à un vent d'ouest derrière lesquels la neige pourra se déposer.

Selon la direction et la force du vent, certaines zones seront tantôt des zones d'accumulation, tantôt des zones d'érosion. C'est le cas par exemple des crêtes, qui peuvent soit être dégarnies par le vent soit au contraire accueillir des corniches plus ou moins spectaculaires. D'une manière générale, la neige est plus fréquemment arrachée des crêtes ou des croupes et redéposée dans les combes.

Par vent modéré, ces dépôts se situeront en moyenne plus près des crêtes que si le vent est plus fort.

La forme de la combe, plus ou moins large, plus ou moins prononcée ainsi que son orientation par rapport à la direction du vent ont aussi leur importance. Quelques exemples :

  • dans une combe, l'accumulation de neige est souvent moins épaisse sur les bords qu'au milieu, parfois seule une partie de la combe est chargée, en particulier si le vent n'était pas perpendiculaire à la crête principale ;
  • même loin des crêtes, certaines zones comme un ressaut, un verrou glaciaire, une pente courte mais plus raide dans un vallon, sont plus propices à l'accumulation ; il faut alors tenir compte aussi de la taille de la zone de reprise potentielle (surface de laquelle le vent arrache les grains de neige) ;
  • la forêt, à la condition expresse qu'elle soit suffisamment dense, freine ou annihile complètement le transport de la neige par le vent.

Il n'y a donc pas de règle absolue et dans un secteur que l'on fréquente régulièrement, une meilleure connaissance sur le terrain s'acquiert par l'observation répétée des épisodes de transport de neige, de la modification du vent en fonction du relief ou encore des résultats des déclenchements artificiels d'avalanche. L'expérience ainsi acquise sera un atout majeur pour localiser les zones probables d'accumulation de neige. Mais attention, les structures de plaque ne sont pas uniquement formées par l'action du vent